Le deuxième RDV MOBIS a réuni les joueurs clés de l’industrie du vélo électrique, qui s’est tenu en même temps que le colloque Vélo Québec, le 7 octobre dernier. Tous les esprits étaient tournés vers les résultats de l’étude la chaîne d’approvisionnement du vélo électrique au Québec.
Animé par Antoine Simard de Coop Carbone, ce rendez-vous stratégique a été inauguré par Xavier Robidoux, gestionnaire de l’approvisionnement chez Milebox, qui a mené l’étude. Ensuite, Francis Mercier, gestionnaire en changement de culture d’entreprise d’Innovapex a traité des enjeux et de l’importance de la collaboration industrielle. Enfin, Hugo Barthelet, d’HEC Montréal, a présenté la circularisation des modèles coopératifs.
On aurait pu presqu’entendre cette fameuse phrase tirée de la célèbre bande dessinée : « Toute la Gaule est occupée par les Romains… Toutes ? Non ! Un petit village d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur ». Résister d’autant plus car l’industrie du vélo électrique québécois représente une capacité financière de 65 millions $ en 5 ans.
Les acteurs du vélo électrique québécois veulent faire face à la domination de l’Asie, mais de façon agile et innovante. Tous s’entendent sur ces objectifs suivants pour y parvenir :
Objectif 1
Objectif 2
Objectif 3
« Ce n’est pas réaliste de ramener toute la chaine au Québec. Face à l’Asie, il y a un effort. On peut devenir des experts sur certaines parties du vélo électrique », a lancé d’emblée Xavier Robidoux de Milebox.
Historiquement, le Québec a commencé à produire des vélos dans les années 70 ; le vélo électrique a émergé dans les années 2000. Sur le marché, il y a désormais une offre de vélos québécois assez large, tel des vélos de montagne, des vélos cargos.
De son voyage d’affaires en Allemagne fait cet automne, il en est ressorti avec la conviction encore plus forte de l’importance de maîtriser la chaîne d’approvisionnement. En effet, même l’Allemagne a eu de la difficulté à approvisionner sa propre industrie lors de la pandémie de 2020 : « Ce n’est pas uniquement parce que c’est cool ; c’est plus profitable pour nos entreprises ici et pour le marché nord-américain », précise-t-il.
La solution ? S’inspirer d’Action Vélo Plus, un groupement de plus de 50 détaillants, spécialistes du vélo, établis au Québec depuis 1987. Ainsi, il s’agirait de former une association pour les fabricants de vélos canadiens électriques, se regrouper et faire des achats ensemble afin de faire le poids devant les fabricants mondiaux.
Pour certaines composantes du vélo, l’Asie domine en matière de production. On pense notamment au dérailler de la marque Shimano. Mais, il est possible de s’améliorer sur les produits plus nichés, tels les batteries et le moteur. On gagnerait en qualité, flexibilité et rapidité pour les petites pièces. Objectif : Avoir une compétitivité plus durable
Résultat : le client en sort gagnant. Le marché est plus concurrentiel, il y a un meilleur choix et une offre plus avantageuse.
Francis Mercier, gestionnaire en changement de culture d’entreprise et président d’Innovapex, a enchaîné avec les Enjeux et importance de la collaboration industrielle.
Cela fait 30 ans qu’il œuvre dans le milieu industriel et il a pu être témoin des changements importants qui l’ont jalonné.
Voici ses constats sur le milieu industriel du vélo électrique québécois à la suite d’un sondage qu’il a mené. Il identifie les leviers sur lesquels les fabricants peuvent activer :
En effet, certains procédés sont inexistants dans l’industrie (par exemple, la forge, l’hydroformage). C’est principalement une question de volume : au Québec, 5 000 pièces de certaines composantes du vélo sont produites contre des millions fabriqués en Asie. Aussi, ce manque de volume a une répercussion sur leur prix.
Ainsi, la dépendance est importance face aux fournisseurs étrangers pour certaines pièces.
Mais comme le Québec fait partie d’une économie mondialisée, elle subit également des enjeux de disponibilité, de qualité, de logistique et d’empreinte carbone. Comme il le précise : « Même sous garantie, c’est complexe de se faire approvisionner ».
C’est le cas notamment en raison des perturbations que connaissent les transports ferroviaires et maritime, les conflits internationaux et une certaine pression sur l’empreinte carbone générée par ces flux d’approvisionnement de matériel.
« Au niveau mondial, on est minuscule. Mais on a tout de même une masse critique estimé à 565 millions$ canadiens et le Québec a connu une hausse évaluée à 65 millions $ ces 5 dernières années », établit M. Mercier.
Concrètement, le milieu élargi réunit près de 30 manufacturiers, près de 40 fournisseurs spécialisés : « elle représente masse critique intéressante quand même.»
Quels éléments pour profiter de cette masse critique ?
Il va dans le même sens que les recommandations de l’Étude de la chaîne d’approvisionnement du vélo électrique:
C’est d’autant plus possible, car il existe actuellement un précédent qui fait preuve de résilience : le milieu de l’électronique.
Il existe une véritable crise de l’électronique, où les gros joueurs locaux ont disparu ces dernières années. Au Québec, les petits se sont réunis et cela a complètement transformé l’industrie afin de devenir compétitif face aux géants mondiaux.
La devise de Francis Mercier est de penser autrement.
Si traditionnellement, le milieu industriel québécois est un expert en design de produit, il s’agit désormais de devenir des spécialistes de procédés. En effet, en restant cantonné à la conception de produit, il y a le risque d’un transfert industriel et de perte de connaissances de procédés
Solution : devenir des spécialistes de grande mixité, de petit et moyen volume
Il prend l’exemple du milieu de l’électronique : le milieu a développé sur la même chaîne automatisée, plusieurs types de produits. Cela a permis une augmentation et une maîtrise de la productivité. C’est désormais un marché très niché de faible volume qui est devenu lucratif.
Finalement, la fabrication locale est plus payante.
Hugo Barthelet, de l’Institut international des coopératives Alphonse et Dorimène de HEC Montréal, a complété avec sa présentation Circulariser pour mieux rouler. Il fait un plaidoyer pour repenser les modèles d’affaires en ajoutant de la circularité.
Selon RECYC-QUÉBEC, Le taux de circularité de l’économie du Québec est de 3,5 %, (tiré du Rapport sur l’indice de circularité réalisé en 2021). Désormais, l’objectif est d’augmenter ce pourcentage, et ce, collectivement.
À l’échelle industrielle, il s’agit de repenser la production en amont, notamment en considérant chaque composante comme des ressources et non plus comme des déchets, tel que considérés dans une logique d’économie linéaire.
Cette approche systémique permet à l’entrepreneur d’appréhender différemment sa façon de contribuer à l’économie.
Donner une nouvelle vie aux ressources permet :
Hugo Barthelet prend pour exemple la coopérative allemande Gemeinwerk, qui a conçu et utilise une plateforme de partage de besoins dans le milieu de la construction. De cette manière, elle contrôle leurs données, réduit les coûts des matières premières et des matières résiduelles et renforce l’ensemble de la chaîne de production. Les membres savent exactement d’où les intrants viennent et in fine, ce partage de l’information permet une meilleure prévisibilité de la chaîne de valeur.
Ensuite, la logique de la circularité prévoit de prolonger la durée de vie des produits et des composants par leur entretien et réparation. Dans le secteur du vélo électrique, on peut penser au reconditionnement pour les batteries. Et pour boucler la boucle, il est possible de faire don et de revendre le produit et/ou les composants au cœur d’une économie de fonctionnalité.
En guise d’exemple, il cite le cas de CycloChrome, entreprise d’économie sociale de Montréal, qui est spécialisée dans la mécanique de vélo et s’inscrit dans une démarche durable et inclusive.
Enfin, il faut penser à optimiser la logistique par l’économie collaborative, notamment en utilisant les entrepôts moitié vides et mettre en place des livraisons partagées.
En somme, il s’agit de repenser radicalement la manière de faire des affaires à l’heure des changements climatiques. Cette transition est incontournable et faire le choix de la résilience oblige les acteurs du secteur du vélo électrique de se parler, s’unir et d’interpeller également les pouvoirs publics.
Ils sont prêts !
Ce projet est financé par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec et est mené par la Coop Carbone, Vélo-Québec, Cargone et MileBox.